Les gens me demandent parfois « quel vin veux-tu faire ? ». La première fois j’ai répondu « oh moi, je ne suis qu’une toute petite vigneronne qui fera un petit vin », la vigneronne avec qui j’échangeais ce jour là m’a rétorqué « non Lan, tu feras un grand vin, vise haut ! »
Je veux juste produire un vin qui me corresponde, qui me plaise avant tout, un grand vin !.
Je ne cherche pas à produire beaucoup mais à offrir un vin de qualité : mon objectif est de travailler 3 à 4 hectares maximum car je travaille seule. Je travaille sans tracteur 🚜 avec un minimum d’investissement dans le matériel agricole qui coûte très cher. Je veux laisser la vigne s’exprimer seule, en intervenant le moins possible que ce soit en viticulture ou en oenologie.
J’ai commencé la conversion en agriculture biologique des parcelles dès cette première année 2021 : pas de travail au sol, un effeuillage (suppression des feuilles) et un tressage des rameaux, un enherbement sauvage partiel qui sera remplacé par des futurs semis que j’aurais préalablement choisi en fonction de la structure du sol et de l’objectif attendu.
Le labour, je vais devoir le pratiquer au moins une fois pour décompacter le sol. Pour le côté pratique, je pense devoir utiliser un treuil et une charrue vigneronne. Mais j’aimerais à terme travailler le sol avec un âne ou une mule. Pourquoi pas un cheval me direz-vous. Et bien je suis petite et le cheval de trait est de grande envergure. L’âne ou la mule, de plus petit gabarit passera plus facilement entre les rangs qui sont de 80 cm à 110 cm de largeur. Attention, mon labour n’en n’est pas vraiment un : juste griffer le sol 1 fois par an pour permettre à mes futurs semis d’automne de prendre. La mise en place de couverts végétaux temporaires devrait apporter de la biodiversité et de la matière organique qui manquent tant au sol. Les couverts seront détruits en mai après leur floraison pour en faire un paillage, le but est de ne jamais laisser le sol nu. Puis ils seront semés à nouveau à l’automne, et ainsi de suite.
La protection de mon vignoble passe obligatoirement par la phytothérapie. J’ai déjà commencé à pulvériser de la prêle, de la 500, de la valériane et du petit lait de chèvre dans les vignes. Chacune de ces préparations a un but spécifique, qu’il soit préventif ou curatif. Qu’il faut pulvériser au bon moment selon les besoins de la plante. Non, je ne suis pas en biodynamie, mais je m’y intéresse. Périgée, apogée, lune ascendante, lune descendante..j’essaie d’appliquer ces principes le mieux possible. Quant aux produits phytosanitaires tels que le soufre et la bouillie bordelaise, je n’ai pas encore le choix pour le moment. Les parcelles n’ont eu que du chimique jusqu’à maintenant et il ne faut pas brusquer le sol. Le regénérer demande du temps et j’espère que d’ici quelques années je puisse bannir tout apport de cuivre. C’est un projet ambitieux mais j’y tiens. Je déteste pulvériser ces produits qui sentent mauvais (l’odeur du soufre est tenace) et les pulvériser est très fastidieux car je porte les équipements de protection individuel en totalité : demi-masque avec filtre, lunettes de protection, combinaison et gants. Et lorsqu’il fait plus de 15°, je subis une séance de sauna ! Ajouter à cela la pente de 25% du Calvaire et imaginez le…calvaire 🤣
Je n’ai pas encore de cuvage, donc je ne vinifierais pas la récolte de cette année. J’ai cependant déjà quelques idées au niveau du chai, notamment deux cuves en béton pour la macération semi-carbonique (à la beaujolaise), des cuves ovoïdes en polyéthylène ou jarres en grès pour l’élevage du vin, et surtout des qvevri qui sont dans de grandes jarres de terre cuite géorgiennes permettant la macération et l’élevage. Je veux limiter un maximum les intrants dans la vinification et les qvevris m’ont apparus comme une bonne solution. Mais cela suppose aussi que je ne pourrais pas les utiliser avant 3 à 4 ans, le temps que le sol soit regénéré et les vignes devenues vraiment « bio ». Car malheureusement la terre des jarres ou qvevris absorbent tout et donc les résidus de produits chimiques aussi.
Je souhaite également proposer un vin issu d’un cépage oublié qui ne sera pas le gamay. Un cépage typique d’autrefois qui proviendra d’une autre région car dans le Beaujolais il n’y a jamais eu que le Gamay 😅. Je ne sais pas encore lequel et mon apprentissage ampélographique est très récent. Pourquoi ? Pour 2 raisons : les méthodes de vinification et de conduite du vignoble ont changé et certains cépages anciens ont été abandonnés parce qu’ils ne produisaient pas assez ; et les changements climatiques sont devenus soudains et extrêmes ces dernières années obligeant les vignerons à s’adapter.